Il pleut aujourd'hui. Mais... ça ne fait plus "ploc ploc" dans ma bassine. Papa a réparé le toit. J'ai aussi allumé le chauffage, enfin, c'est plutôt Papa qui l'a allumé durant la nuit, pendant que je gambadais joyeusement dans le monde des rêves.
En me réveillant, je ne comprenais pas pourquoi il faisait aussi chaud tout d'un coup. Ce n'était pas une chaleur liée au chauffage...
C'était... autre chose. Une chaleur qui venait du coeur.
Je crois que j'ai une tanière dans ma poitrine. Elle regorge de souvenirs et abrite une drôle de créature nommée Totoro. C'est le Gardien de mon enfance.
Parfois, il m'autorise à lui rendre visite. Je peux le rencontrer à travers le chemin secret tracé par les lignes de mon livre.
Bon, je vous laisse. Je dois bosser sur une nouvelle histoire.
mercredi 17 octobre 2007
mardi 16 octobre 2007
Retrouvailles
(extrait de mon livre)
*****
Tout à coup, ses oreilles bougèrent comme des antennes qui auraient intercepté un message secret. Totoro entendit un air familier. Celui de l'ocarina. Il sauta sur sa toupie et s'envola vers son origine en suivant les notes susurrées par le vent.
Suspendu dans les airs, il se mit à souffler, lui aussi, sur son ocarina. Il arpenta les rues dans un mouvement de tourbillon mélodieux. Les deux ocarinas jouaient, à l'unisson, un air identique.
Au bout du chemin céleste, il aperçut une petite fille rousse assise sur le toit en compagnie d'un chat tigré. La joueuse de l'ocarina, âgée de quatre ans environ, avait deux couettes et portait une robe rouge. Elle paraissait concentrée sur le morceau qu'elle interprétait.
Totoro Totoro
Totoro To...
Miaaaaouuu !!
La petite fille s'arrêta. Le chat signalait une présence inattendue par un miaulement craintif.
Quand la fille aux deux couettes remarqua Totoro, ses yeux s'illuminèrent comme une explosion d'étoiles, elle bondit sur ses pieds et courut, courut, peu importe qu'elle soit sur un toit en pente susceptible d'entrainer sa chute imminente, elle voulait retrouver Totoro au plus vite.
Elle bondit sur le ventre de la créature pour se blottir dessus et, cramponné à ses poils, elle lui murmura :
- Je t'ai attendu.
Totoro souriait. Tous les deux s'envolèrent très haut dans le ciel. On pouvait entendre des grondements et des rires mêlés au vent.
*****
(extrait de la Symphonie No. 5 de Mahler, Adagietto...)
*****
Tout à coup, ses oreilles bougèrent comme des antennes qui auraient intercepté un message secret. Totoro entendit un air familier. Celui de l'ocarina. Il sauta sur sa toupie et s'envola vers son origine en suivant les notes susurrées par le vent.
Suspendu dans les airs, il se mit à souffler, lui aussi, sur son ocarina. Il arpenta les rues dans un mouvement de tourbillon mélodieux. Les deux ocarinas jouaient, à l'unisson, un air identique.
Au bout du chemin céleste, il aperçut une petite fille rousse assise sur le toit en compagnie d'un chat tigré. La joueuse de l'ocarina, âgée de quatre ans environ, avait deux couettes et portait une robe rouge. Elle paraissait concentrée sur le morceau qu'elle interprétait.
Totoro Totoro
Totoro To...
Miaaaaouuu !!
La petite fille s'arrêta. Le chat signalait une présence inattendue par un miaulement craintif.
Quand la fille aux deux couettes remarqua Totoro, ses yeux s'illuminèrent comme une explosion d'étoiles, elle bondit sur ses pieds et courut, courut, peu importe qu'elle soit sur un toit en pente susceptible d'entrainer sa chute imminente, elle voulait retrouver Totoro au plus vite.
Elle bondit sur le ventre de la créature pour se blottir dessus et, cramponné à ses poils, elle lui murmura :
- Je t'ai attendu.
Totoro souriait. Tous les deux s'envolèrent très haut dans le ciel. On pouvait entendre des grondements et des rires mêlés au vent.
*****
(extrait de la Symphonie No. 5 de Mahler, Adagietto...)
Orange mélodie
Guidée par une envie subite d'admirer le coucher de soleil, je suis montée sur le toit.
Comme il était beau ! L'ambre du demi-disque embrasait le ciel, il plongeait la ville entière dans une couleur orange, une belle couleur romantique, et il étirait les ombres noires devant lui. Je lui ai joué une berceuse avec mon ocarina. A mon avis, grâce à moi, le soleil s'est couché paisiblement.
Le chat de ma voisine est venu m'écouter sur le toit. D'ordinaire, il est plutôt du genre craintif, il ne m'avait jamais approchée jusqu'à maintenant. Peut-être que je tenais en main l'ocarina d'Hamelin ? Hahaha! Cette idée m'a parue excitante sur le coup. Alors, j'ai continué à jouer en espérant attirer d'autres chats errants.
Mais à la tombée de la nuit...
*****
(extrait de mon livre)
*****
Totoro envisageait de quitter cette ville. Sa prochaine destination ? Il ignorait. Probablement une ville côtière où il pourrait déclencher un typhon à volonté avec l'eau de mer. Peu lui importait, c'était un voyageur sans racine.
Il posa un dernier regard dénué d'expression sur la ville surchargée de néons, en se grattant la hanche à l'aide de ses longues griffes.
(à suivre...)
*****
Comme il était beau ! L'ambre du demi-disque embrasait le ciel, il plongeait la ville entière dans une couleur orange, une belle couleur romantique, et il étirait les ombres noires devant lui. Je lui ai joué une berceuse avec mon ocarina. A mon avis, grâce à moi, le soleil s'est couché paisiblement.
Le chat de ma voisine est venu m'écouter sur le toit. D'ordinaire, il est plutôt du genre craintif, il ne m'avait jamais approchée jusqu'à maintenant. Peut-être que je tenais en main l'ocarina d'Hamelin ? Hahaha! Cette idée m'a parue excitante sur le coup. Alors, j'ai continué à jouer en espérant attirer d'autres chats errants.
Mais à la tombée de la nuit...
*****
(extrait de mon livre)
*****
Totoro envisageait de quitter cette ville. Sa prochaine destination ? Il ignorait. Probablement une ville côtière où il pourrait déclencher un typhon à volonté avec l'eau de mer. Peu lui importait, c'était un voyageur sans racine.
Il posa un dernier regard dénué d'expression sur la ville surchargée de néons, en se grattant la hanche à l'aide de ses longues griffes.
(à suivre...)
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lundi 15 octobre 2007
Pour qui sonne le Carillon
(extrait de mon livre)
*****
Totoro voyageait sans but précis. Il flânait de ville en ville comme une âme errante qu'on aurait privé de son enveloppe corporelle. Après tout, une partie de lui s'était déracinée, ce voyage témoignait de son déracinement perpétuel. Son intérêt premier était de visiter les lieux fréquentés par les Hommes. Excepté aux yeux des enfants, il passait, généralement inaperçu. Se promenant sur les toits ou sur les rues piétonnes, il s'amusait à provoquer des bourrasques lors de ses ballades en toupie, à faire pousser des arbres dans des endroits incongrus. Par exemple, sur le toit d'un immeuble ou en plein milieu d'un carrefour. A son passage, les arbres frêles, peu nombreux, atteignaient une grandeur et une robustesse sidérantes. Toutefois, son passe-temps favori consistait à monter sur le toit le plus haut et contempler le paysage environnant. Baigné par la clarté de la Lune, il semblait fixer un point inexistant, quelque part, loin des bruits et des lumières de la ville agitée. Son regard se perdait dans une rêvasserie permanente.
Un soir, en déambulant dans les ruelles sombres et peu animées, il découvrit un petit jardin municipal. Etrangement, il y vit un homme se tenant debout, seul, en face de la balançoire. Vêtu d'un imperméable long et d'un chapeau feutre, il avait le dos vouté, comme s'il méditait en regardant le morceau de bois suspendu au dessus du sol. Lorsqu'il s'assit finalement dessus, Totoro put apercevoir son visage serein sous la faible lueur du lampadaire. L'homme au chapeau se balança, d'avant en arrière, d'arrière vers l'avant. Plus le mouvement s'accélerait, plus ses yeux brillaient avec éclat. Quelque chose dans sa poitrine s'était enflammé. Un remous dans les cendres et les poussières de son âme. Cette balançoire lui procurait la sensation d'avoir des ailes dans le dos. Il souriait, il souriait, et il le vit.
L'homme sur la balançoire voyait clairement Totoro. Ce dernier avança jusqu'à cet homme solitaire, en lui souriant à pleines dents.
- Ahaha ! Je ne pensais pas que le dieu de la mort serait aussi poilu, remarqua l'homme. Vous êtes ponctuel, on prétendait que je n'avais plus que six mois à vivre et c'était bien vrai. Six mois se sont écoulés et vous êtes venu me chercher.
Le sourire de Totoro ne s'effaçait pas, au contraire, il était assez ravi de cette rencontre inopinée.
- Quel est votre nom ? questionna l'inconnu.
Totoro grogna trois syllabes, deux longues et une courte. L'homme ria de bon coeur.
- Totoro, mais bien sûr! Comme dans les livres pour enfant. Alors, vous n'êtes pas un dieu de la mort... Vous, enfin je vais te tutoyer, tu es un esprit veilleur. Alors, tu veilleras sur ce parc à ma place, n'est-ce pas ?
Totoro hôcha la tête. Son interlocuteur baissa la sienne en fermant les yeux.
- Tant mieux, dit-il. Tant mieux, tant mieux... Je suis rassuré... Tu sais, ce parc que tu vois... C'est moi qui l'ai fait construire. J'ai mené ce projet jusqu'à puiser dans mes dernières ressources.
Il regarda le ciel noir, quelques flocons de neige s'étaient mis à tomber.
- J'ai occupé pendant trente ans un poste à la fonction publique. Trente longues années où je n'étais qu'un corps mécanique dans un engrenage administratif. Un quotidien banal, une vie morne. Quand j'ai appris que j'allais bientôt mourir... Ah, quel choc c'était.
Je ne voulais pas que ma misérable existence s'achève de façon pitoyable. Je devais trouver un sens, redonner une valeur à ma vie. Quand j'ai trouvé la requête -enfouie parmi la paperasse - pour la construction d'un terrain de jeu, j'ai su que c'était là, l'occasion unique de me ressaisir ! Depuis ce jour, je me suis activé en basculant cet engrenage infect, je me suis battu, oui battu, malgré mon état qui se détériorait, dans le but ultime de réaliser ce projet. Ah Totoro, Totoro... Si tu avais vu le dépotoire dans lequel les enfants jouaient... Toi non plus, tu n'aurais pas toléré une chose aussi inadmissible...
Le ciel saupoudrait de neige la ville entière. Totoro sortit son parapluie pour le tendre à l'homme.
- Ahaha ! Où as-tu bien pu trouver ça ? C'est gentil à toi, oui très gentil mais je n'en ai pas besoin. Je veux profiter de ce dernier cadeau du ciel. D'ailleurs, je vais retirer mon chapeau afin que je puisse sentir la neige sur mon visage... L'autre jour, il m'a offert un coucher de soleil magnifique. Vraiment magnifique... Et pourtant, j'en voyais très souvent en rentrant du bureau, sans prendre la peine de m'arrêter et de l'admirer. Autrefois, je trouvais ce phénomène tellement anodin. Il se couchait, puis il se levait le lendemain. Quoi de plus normal ?
J'avais tort, oh oui... Les Hommes ont tendance à ne plus s'émerveiller devant les petites choses.
Il ôta son chapeau d'un geste lent, il regarda la neige tomber en silence. Il imaginait la réaction des enfants lorsqu'ils verront le parc enneigé. Un sourire heureux se dessina sur ses lèvres gercées et il se remit à se balancer.
- J'ai envie de chanter, murmura l'homme sans chapeau. Connais-tu une chanson, Totoro ?
Totoro lui répondit par un large sourire, il saisit rapidement son ocarina et joua un morceau qui rendit l'homme en face de lui, nostalgique. L'air qu'il entendait lui rappelait son enfance.
Un policier qui passait par hasard dans le coin, fut témoin d'un spectacle étonnant. Il vit un homme d'un certain âge, seul, assis sur une balançoire. Il chantait sous la neige, en se balançant d'avant en arrière, d'arrière vers l'avant, le visage tantôt dissimulé dans l'ombre, tantôt éclairé par le lampadaire. Ses cheveux étaient recouverts de neige, n'avait-il pas froid ? pouvait se demander le policier. Pensant qu'il s'agissait d'un simple ivrogne, il ne s'en soucia pas et poursuivit sa ronde.
Plus tard, lorsqu'il revint dans ce parc, il s'affola en voyant un corps affalé par terre, recouvert de neige. C'était l'homme sur la balançoire. Il avait rendu son dernier soupir, sans douleur, sans peur. "Pauvre homme, pensa le policier rongé par le remord, je l'ai laissé seul à son funeste sort."
Comme il se trompait ! Totoro était resté auprès de lui, tout le temps. L'homme n'était pas mort seul, il souriait même pendant qu'il rendait l'âme.
Le policier n'entendait-il pas le son de l'ocarina ? Ce soir-là, Totoro n'avait pas cessé de jouer.
Au printemps, les enfants furent enchantés de découvrir des jeunes pousses de chêne plantées autour du parc.
(à suivre...)
*****
(Note: l'histoire de l'homme sur la balançoire s'est inspirée du film "Ikiru" réalisé par Akira Kurosawa, en 1952)
*****
Totoro voyageait sans but précis. Il flânait de ville en ville comme une âme errante qu'on aurait privé de son enveloppe corporelle. Après tout, une partie de lui s'était déracinée, ce voyage témoignait de son déracinement perpétuel. Son intérêt premier était de visiter les lieux fréquentés par les Hommes. Excepté aux yeux des enfants, il passait, généralement inaperçu. Se promenant sur les toits ou sur les rues piétonnes, il s'amusait à provoquer des bourrasques lors de ses ballades en toupie, à faire pousser des arbres dans des endroits incongrus. Par exemple, sur le toit d'un immeuble ou en plein milieu d'un carrefour. A son passage, les arbres frêles, peu nombreux, atteignaient une grandeur et une robustesse sidérantes. Toutefois, son passe-temps favori consistait à monter sur le toit le plus haut et contempler le paysage environnant. Baigné par la clarté de la Lune, il semblait fixer un point inexistant, quelque part, loin des bruits et des lumières de la ville agitée. Son regard se perdait dans une rêvasserie permanente.
Un soir, en déambulant dans les ruelles sombres et peu animées, il découvrit un petit jardin municipal. Etrangement, il y vit un homme se tenant debout, seul, en face de la balançoire. Vêtu d'un imperméable long et d'un chapeau feutre, il avait le dos vouté, comme s'il méditait en regardant le morceau de bois suspendu au dessus du sol. Lorsqu'il s'assit finalement dessus, Totoro put apercevoir son visage serein sous la faible lueur du lampadaire. L'homme au chapeau se balança, d'avant en arrière, d'arrière vers l'avant. Plus le mouvement s'accélerait, plus ses yeux brillaient avec éclat. Quelque chose dans sa poitrine s'était enflammé. Un remous dans les cendres et les poussières de son âme. Cette balançoire lui procurait la sensation d'avoir des ailes dans le dos. Il souriait, il souriait, et il le vit.
L'homme sur la balançoire voyait clairement Totoro. Ce dernier avança jusqu'à cet homme solitaire, en lui souriant à pleines dents.
- Ahaha ! Je ne pensais pas que le dieu de la mort serait aussi poilu, remarqua l'homme. Vous êtes ponctuel, on prétendait que je n'avais plus que six mois à vivre et c'était bien vrai. Six mois se sont écoulés et vous êtes venu me chercher.
Le sourire de Totoro ne s'effaçait pas, au contraire, il était assez ravi de cette rencontre inopinée.
- Quel est votre nom ? questionna l'inconnu.
Totoro grogna trois syllabes, deux longues et une courte. L'homme ria de bon coeur.
- Totoro, mais bien sûr! Comme dans les livres pour enfant. Alors, vous n'êtes pas un dieu de la mort... Vous, enfin je vais te tutoyer, tu es un esprit veilleur. Alors, tu veilleras sur ce parc à ma place, n'est-ce pas ?
Totoro hôcha la tête. Son interlocuteur baissa la sienne en fermant les yeux.
- Tant mieux, dit-il. Tant mieux, tant mieux... Je suis rassuré... Tu sais, ce parc que tu vois... C'est moi qui l'ai fait construire. J'ai mené ce projet jusqu'à puiser dans mes dernières ressources.
Il regarda le ciel noir, quelques flocons de neige s'étaient mis à tomber.
- J'ai occupé pendant trente ans un poste à la fonction publique. Trente longues années où je n'étais qu'un corps mécanique dans un engrenage administratif. Un quotidien banal, une vie morne. Quand j'ai appris que j'allais bientôt mourir... Ah, quel choc c'était.
Je ne voulais pas que ma misérable existence s'achève de façon pitoyable. Je devais trouver un sens, redonner une valeur à ma vie. Quand j'ai trouvé la requête -enfouie parmi la paperasse - pour la construction d'un terrain de jeu, j'ai su que c'était là, l'occasion unique de me ressaisir ! Depuis ce jour, je me suis activé en basculant cet engrenage infect, je me suis battu, oui battu, malgré mon état qui se détériorait, dans le but ultime de réaliser ce projet. Ah Totoro, Totoro... Si tu avais vu le dépotoire dans lequel les enfants jouaient... Toi non plus, tu n'aurais pas toléré une chose aussi inadmissible...
Le ciel saupoudrait de neige la ville entière. Totoro sortit son parapluie pour le tendre à l'homme.
- Ahaha ! Où as-tu bien pu trouver ça ? C'est gentil à toi, oui très gentil mais je n'en ai pas besoin. Je veux profiter de ce dernier cadeau du ciel. D'ailleurs, je vais retirer mon chapeau afin que je puisse sentir la neige sur mon visage... L'autre jour, il m'a offert un coucher de soleil magnifique. Vraiment magnifique... Et pourtant, j'en voyais très souvent en rentrant du bureau, sans prendre la peine de m'arrêter et de l'admirer. Autrefois, je trouvais ce phénomène tellement anodin. Il se couchait, puis il se levait le lendemain. Quoi de plus normal ?
J'avais tort, oh oui... Les Hommes ont tendance à ne plus s'émerveiller devant les petites choses.
Il ôta son chapeau d'un geste lent, il regarda la neige tomber en silence. Il imaginait la réaction des enfants lorsqu'ils verront le parc enneigé. Un sourire heureux se dessina sur ses lèvres gercées et il se remit à se balancer.
- J'ai envie de chanter, murmura l'homme sans chapeau. Connais-tu une chanson, Totoro ?
Totoro lui répondit par un large sourire, il saisit rapidement son ocarina et joua un morceau qui rendit l'homme en face de lui, nostalgique. L'air qu'il entendait lui rappelait son enfance.
Un policier qui passait par hasard dans le coin, fut témoin d'un spectacle étonnant. Il vit un homme d'un certain âge, seul, assis sur une balançoire. Il chantait sous la neige, en se balançant d'avant en arrière, d'arrière vers l'avant, le visage tantôt dissimulé dans l'ombre, tantôt éclairé par le lampadaire. Ses cheveux étaient recouverts de neige, n'avait-il pas froid ? pouvait se demander le policier. Pensant qu'il s'agissait d'un simple ivrogne, il ne s'en soucia pas et poursuivit sa ronde.
Plus tard, lorsqu'il revint dans ce parc, il s'affola en voyant un corps affalé par terre, recouvert de neige. C'était l'homme sur la balançoire. Il avait rendu son dernier soupir, sans douleur, sans peur. "Pauvre homme, pensa le policier rongé par le remord, je l'ai laissé seul à son funeste sort."
Comme il se trompait ! Totoro était resté auprès de lui, tout le temps. L'homme n'était pas mort seul, il souriait même pendant qu'il rendait l'âme.
Le policier n'entendait-il pas le son de l'ocarina ? Ce soir-là, Totoro n'avait pas cessé de jouer.
Au printemps, les enfants furent enchantés de découvrir des jeunes pousses de chêne plantées autour du parc.
(à suivre...)
*****
(Note: l'histoire de l'homme sur la balançoire s'est inspirée du film "Ikiru" réalisé par Akira Kurosawa, en 1952)
dimanche 14 octobre 2007
Escale
(extrait de mon livre)
*****
Le chat-bus dévalait les collines et les champs, gravissait les montagnes et les poteaux électriques.
Petit à petit, le Soleil se levait en étirant ses bras radieux, les lampions de souris ornant le chat-bus s'éteignirent. Le félin véhiculait ses fidèles passagers depuis le soir du grandiose concerto. Celui-ci n'était pas encore terminé lorsque le grand Totoro décida de prendre la route. En l'accompagnant dans sa belle mélodie, les animaux l'avaient salué de la meilleure façon qui soit. Seuls les noiraudes s'étaient obstinés à vouloir suivre le Gardien du Camphrier dans son voyage, mais la bourrasque du chat-bus les propulsait vers l'arrière avec force, les balayant comme une trainée de poudre noire.
Admirant le paysage rural qui défilait à toute allure, Totoro avait le sourire béat. Derrière lui, les petits Totoro grignotaient les offrandes des rongeurs, tout en étant ballotés, sur les sièges douillets, par les secousses incessantes du bus.
Loin des champs agricoles, loin des rizières, loin de la présence humaine, leur trajet arriva à son terme. Dès qu'ils frôlèrent le sol inconnu, ils furent accueillis par le chant des coucous, le gazouillis des hirondelles, le pépiement des mésanges. Un papillon orange vint leur souhaiter la bienvenue, le petit Totoro bondit sur ses pattes comme un lapin, il voulut aussitôt s'amuser avec lui. Le sourire béat du grand Totoro n'avait pas quitté ses lèvres. Son regard se porta sur l'horizon azuré traversé par une kyrielle d'oiseaux. La vaste colline se perdait au loin et rencontrait même les nuages. Le vent ondulait les hautes herbes en faisant valser les aigrettes délivrées des fleurs.
Le grand Totoro empaqueta le sac de provisions et s'apprêta à explorer cette contrée verdoyante. Il se tourna vers le chat-bus au sourire narquois pour lui adresser un signe de tête que seul, un chat-bus serait capable d'en décrypter la signification. En effet, le bus-matou acquiesca, immédiatement, par un long miaulement.
Munis de leur baluchon, les trois créatures cheminèrent en file indienne, alignées par ordre de grandeur décroissant. Le petit Totoro peinait à suivre la cadence, les pas de ses deux compagnons étant bien plus grands, il trottinait alors vaillammant pour ne pas les perdre de vue. Pas un seul instant, il ne lâchait du regard le dos potelé du moyen Totoro, sauf pour admirer les fleurs qui lui étaient étrangères, et son nouvel ami papillon qui voletait au dessus de lui.
Après avoir sillonné la colline et traversé le ruisseau, les trois Totoro s'enfoncèrent dans une forêt luxuriante. Le plus grand avancait sans refréner son rythme de marche, comme s'il savait exactement vers où il devait se diriger. Par des fines lames éclatantes, les rayons de Soleil transperçaient la zone ombragée formée par les arbres hauts. Les animaux autochtones, ayant perçu la présence inattendue de l'Esprit de la forêt, vinrent observer en discrétion la longue procession des créatures fraichement arrivées.
Le grand Totoro s'arrêta enfin. Cet arrêt fut si brusque que les deux Totoro qui le suivaient de près, se heurtèrent en laissant tomber leur baluchon. Ils allèrent ensuite vers l'avant en contournant la masse grise, afin de connaître la raison de cette halte au milieu de la forêt.
Nimbé par un halo lumineux, un jeune arbre à camphre se dressait là, fièrement, en étalant ses branches vigoureuses. Après un moment de recueillement, de discussion inaudible à l'oreille des humains, le jeune arbre à camphre émit son accord pour loger l'Esprit de la forêt en devenant de cette façon, son Gardien pour l'éternité.
Les deux mini-Totoro manifestèrent leur jubilation en sautillant comme une pie. Ensemble, les oiseaux entonnèrent leur chant le plus gracieux en volant autour du jeune Camphrier et s'élevant à la manière du feu d'artifice. L'un d'eux s'approcha du grand Totoro mais celui-ci, ne semblait pas s'en soucier. Il avait le regard dans le vide en souriant à pleines dents. Rêvassait-il ? Il était heureux, assurément.
Sans plus tarder, il déposa son sac au pied de l'arbre et il appela ses deux compagnons par deux grognements distincts. Etant donné qu'il s'agissait d'une invitation à venir s'assoir auprès de lui, les deux Totoro le rejoignirent en gambadant sur les racines enchevêtrées du Camphrier. Une conversation intime s'engagea, les animaux les laissèrent seuls, le Soleil planta sa main éblouissante sur la cime de l'arbre de sorte que le reste de la fôret s'obscurcit soudainement.
Les yeux des petites créatures se figèrent de stupeur et d'effroi : Totoro venait de leur révéler son intention de les quitter.
Désormais, le petit et le moyen Totoro allaient devoir veiller sur la forêt sans l'aide de leur aîné; en tant que "Gardiens", ils grandiraient avec le Camphrier.
Dans un murmure, le grand Totoro leur dévoila le secret des Arbres et le secret du Vent. Les futurs petits Gardiens l'écoutèrent attentivement, partagés entre la crainte et l'enchantement, ils apprirent le savoir et la sagesse sans pour autant les assimiler sur-le-champ. Ils auront tout le temps pour cela. Il restait un troisième secret, mais il n'était pas à transmettre. Il fallait le découvrir par soi-même. Pour l'instant, ce secret demeurait scellé derrière le sourire barricadé par les dents immenses du grand Totoro.
La nuit, le grand Totoro partit à bord de son chat-bus qui l'attendait patiemment. Il s'était contenté de saluer les "deux nouveaux Gardiens du nouveau Camphrier" par un unique signe de la main, en souriant toujours, un sourire montrant sa confiance envers l'avenir.
Désemparé, le petit Gardien avait accouru, aussi vite que ses petites pattes pouvaient le permettre, après le chat-bus qui cavalait droit dans l'horizon vespéral. Il avait trébuché sur un caillou puis il s'était relevé à l'aide du moyen Gardien- devenu le grand Gardien depuis le départ de Totoro- affichant une expression neuve due à la tâche importante qui, dorénavant, lui incombait.
Bien entendu, le grand Totoro n'avait pas assisté à cette scène, il se trouvait déjà trop loin, admirant le paysage du soir, tout en ayant le sentiment que la relève était pleinement assurée.
(à suivre...)
*****
*****
Le chat-bus dévalait les collines et les champs, gravissait les montagnes et les poteaux électriques.
Petit à petit, le Soleil se levait en étirant ses bras radieux, les lampions de souris ornant le chat-bus s'éteignirent. Le félin véhiculait ses fidèles passagers depuis le soir du grandiose concerto. Celui-ci n'était pas encore terminé lorsque le grand Totoro décida de prendre la route. En l'accompagnant dans sa belle mélodie, les animaux l'avaient salué de la meilleure façon qui soit. Seuls les noiraudes s'étaient obstinés à vouloir suivre le Gardien du Camphrier dans son voyage, mais la bourrasque du chat-bus les propulsait vers l'arrière avec force, les balayant comme une trainée de poudre noire.
Admirant le paysage rural qui défilait à toute allure, Totoro avait le sourire béat. Derrière lui, les petits Totoro grignotaient les offrandes des rongeurs, tout en étant ballotés, sur les sièges douillets, par les secousses incessantes du bus.
Loin des champs agricoles, loin des rizières, loin de la présence humaine, leur trajet arriva à son terme. Dès qu'ils frôlèrent le sol inconnu, ils furent accueillis par le chant des coucous, le gazouillis des hirondelles, le pépiement des mésanges. Un papillon orange vint leur souhaiter la bienvenue, le petit Totoro bondit sur ses pattes comme un lapin, il voulut aussitôt s'amuser avec lui. Le sourire béat du grand Totoro n'avait pas quitté ses lèvres. Son regard se porta sur l'horizon azuré traversé par une kyrielle d'oiseaux. La vaste colline se perdait au loin et rencontrait même les nuages. Le vent ondulait les hautes herbes en faisant valser les aigrettes délivrées des fleurs.
Le grand Totoro empaqueta le sac de provisions et s'apprêta à explorer cette contrée verdoyante. Il se tourna vers le chat-bus au sourire narquois pour lui adresser un signe de tête que seul, un chat-bus serait capable d'en décrypter la signification. En effet, le bus-matou acquiesca, immédiatement, par un long miaulement.
Munis de leur baluchon, les trois créatures cheminèrent en file indienne, alignées par ordre de grandeur décroissant. Le petit Totoro peinait à suivre la cadence, les pas de ses deux compagnons étant bien plus grands, il trottinait alors vaillammant pour ne pas les perdre de vue. Pas un seul instant, il ne lâchait du regard le dos potelé du moyen Totoro, sauf pour admirer les fleurs qui lui étaient étrangères, et son nouvel ami papillon qui voletait au dessus de lui.
Après avoir sillonné la colline et traversé le ruisseau, les trois Totoro s'enfoncèrent dans une forêt luxuriante. Le plus grand avancait sans refréner son rythme de marche, comme s'il savait exactement vers où il devait se diriger. Par des fines lames éclatantes, les rayons de Soleil transperçaient la zone ombragée formée par les arbres hauts. Les animaux autochtones, ayant perçu la présence inattendue de l'Esprit de la forêt, vinrent observer en discrétion la longue procession des créatures fraichement arrivées.
Le grand Totoro s'arrêta enfin. Cet arrêt fut si brusque que les deux Totoro qui le suivaient de près, se heurtèrent en laissant tomber leur baluchon. Ils allèrent ensuite vers l'avant en contournant la masse grise, afin de connaître la raison de cette halte au milieu de la forêt.
Nimbé par un halo lumineux, un jeune arbre à camphre se dressait là, fièrement, en étalant ses branches vigoureuses. Après un moment de recueillement, de discussion inaudible à l'oreille des humains, le jeune arbre à camphre émit son accord pour loger l'Esprit de la forêt en devenant de cette façon, son Gardien pour l'éternité.
Les deux mini-Totoro manifestèrent leur jubilation en sautillant comme une pie. Ensemble, les oiseaux entonnèrent leur chant le plus gracieux en volant autour du jeune Camphrier et s'élevant à la manière du feu d'artifice. L'un d'eux s'approcha du grand Totoro mais celui-ci, ne semblait pas s'en soucier. Il avait le regard dans le vide en souriant à pleines dents. Rêvassait-il ? Il était heureux, assurément.
Sans plus tarder, il déposa son sac au pied de l'arbre et il appela ses deux compagnons par deux grognements distincts. Etant donné qu'il s'agissait d'une invitation à venir s'assoir auprès de lui, les deux Totoro le rejoignirent en gambadant sur les racines enchevêtrées du Camphrier. Une conversation intime s'engagea, les animaux les laissèrent seuls, le Soleil planta sa main éblouissante sur la cime de l'arbre de sorte que le reste de la fôret s'obscurcit soudainement.
Les yeux des petites créatures se figèrent de stupeur et d'effroi : Totoro venait de leur révéler son intention de les quitter.
Désormais, le petit et le moyen Totoro allaient devoir veiller sur la forêt sans l'aide de leur aîné; en tant que "Gardiens", ils grandiraient avec le Camphrier.
Dans un murmure, le grand Totoro leur dévoila le secret des Arbres et le secret du Vent. Les futurs petits Gardiens l'écoutèrent attentivement, partagés entre la crainte et l'enchantement, ils apprirent le savoir et la sagesse sans pour autant les assimiler sur-le-champ. Ils auront tout le temps pour cela. Il restait un troisième secret, mais il n'était pas à transmettre. Il fallait le découvrir par soi-même. Pour l'instant, ce secret demeurait scellé derrière le sourire barricadé par les dents immenses du grand Totoro.
La nuit, le grand Totoro partit à bord de son chat-bus qui l'attendait patiemment. Il s'était contenté de saluer les "deux nouveaux Gardiens du nouveau Camphrier" par un unique signe de la main, en souriant toujours, un sourire montrant sa confiance envers l'avenir.
Désemparé, le petit Gardien avait accouru, aussi vite que ses petites pattes pouvaient le permettre, après le chat-bus qui cavalait droit dans l'horizon vespéral. Il avait trébuché sur un caillou puis il s'était relevé à l'aide du moyen Gardien- devenu le grand Gardien depuis le départ de Totoro- affichant une expression neuve due à la tâche importante qui, dorénavant, lui incombait.
Bien entendu, le grand Totoro n'avait pas assisté à cette scène, il se trouvait déjà trop loin, admirant le paysage du soir, tout en ayant le sentiment que la relève était pleinement assurée.
(à suivre...)
*****
Rire au creux de la balançoire
Depuis que je l'ai découvert, je me suis rendue tous les jours à ce petit parc. C'est un havre de bonheur au milieu des briques et du béton. Je dirais que c'est un peu comme un cheveu unique sur la tête d'un chauve.
Ma soeur était enchantée par le récit que je lui ai rapporté le soir où elle est venue dîner à la maison, et principalement, par la rencontre que j'ai faite avec le marchand de marrons chauds.
Elle a tout de suite répliqué que son identité véritable était celle d'un esprit veilleur du parc. Ma foi, c'est possible. Je suis retournée plusieurs fois lui parler, nous sommes devenus très amis. Il a une connaissance étendue sur les arbres et les plantes, il m'a également complimentée pour mon (maigre) savoir dans ce domaine. Je lui ai répondu que c'était normal car j'avais habité quelques années à la campagne. Il a rigolé en affirmant que j'avais effectivement un rire campagnard... A cela, nous avons ri tous les deux. Une ribambelle de "Hahaha!!" s'échappait de notre gosier, on aurait dit une envolée d'aigrettes se détachant du pissenlit qui aurait germé dans le ventre.
Ensuite, je me suis installée sur le banc. J'ai consigné sur mon calepin toutes les notes que ce parc m'avait inspirée. Les enfants, intrigués, tentaient de savoir ce que j'écrivais en me regardant avec des grands yeux ronds, des yeux teintés de curiosité. "C'est juste un rapport que je remettrai à vos parents , leur ai-je répondu avec mon air le plus sérieux possible, j'inscris le nom de ceux qui n'ont pas été sages."
Alors un garçon du groupe s'est éloigné du banc en courant puis il s'est retourné en tirant la langue "Bouh! La sorcière rousse !" a-t-il lancé en guise de provocation. Je me suis lancée à sa poursuite, nous avons couru tous les deux autour du parc, les rires ont fusé autour de nous, des milliers d'aigrettes, pures et innocentes, se sont envolées encore, en tournoyant lentement sous le vent léger.
A la fin, j'ai acheté un énorme ravier de marrons chauds que j'ai partagé avec les enfants éreintés par cette folle journée.
Ma soeur était enchantée par le récit que je lui ai rapporté le soir où elle est venue dîner à la maison, et principalement, par la rencontre que j'ai faite avec le marchand de marrons chauds.
Elle a tout de suite répliqué que son identité véritable était celle d'un esprit veilleur du parc. Ma foi, c'est possible. Je suis retournée plusieurs fois lui parler, nous sommes devenus très amis. Il a une connaissance étendue sur les arbres et les plantes, il m'a également complimentée pour mon (maigre) savoir dans ce domaine. Je lui ai répondu que c'était normal car j'avais habité quelques années à la campagne. Il a rigolé en affirmant que j'avais effectivement un rire campagnard... A cela, nous avons ri tous les deux. Une ribambelle de "Hahaha!!" s'échappait de notre gosier, on aurait dit une envolée d'aigrettes se détachant du pissenlit qui aurait germé dans le ventre.
Ensuite, je me suis installée sur le banc. J'ai consigné sur mon calepin toutes les notes que ce parc m'avait inspirée. Les enfants, intrigués, tentaient de savoir ce que j'écrivais en me regardant avec des grands yeux ronds, des yeux teintés de curiosité. "C'est juste un rapport que je remettrai à vos parents , leur ai-je répondu avec mon air le plus sérieux possible, j'inscris le nom de ceux qui n'ont pas été sages."
Alors un garçon du groupe s'est éloigné du banc en courant puis il s'est retourné en tirant la langue "Bouh! La sorcière rousse !" a-t-il lancé en guise de provocation. Je me suis lancée à sa poursuite, nous avons couru tous les deux autour du parc, les rires ont fusé autour de nous, des milliers d'aigrettes, pures et innocentes, se sont envolées encore, en tournoyant lentement sous le vent léger.
A la fin, j'ai acheté un énorme ravier de marrons chauds que j'ai partagé avec les enfants éreintés par cette folle journée.
samedi 13 octobre 2007
Concerto, concerto !!
(extrait de mon livre)
*****
Perché sur une haute branche solide de son vieil arbre, Totoro observait d'un oeil inexpressif, le paysage à moitié infesté par la présence des camions de chantier. A l'Est, plus de la moitié de la forêt avait disparu. Le Gardien du Camphrier grogna dans un faible bâillement, ses yeux se plissèrent de fatigue, puis ils s'arrondirent comme si, subitement, on venait de lui rappeler un fait important. Il sortit de nulle part son ocarina et s'orienta vers la parcelle de la campagne où s'étaient rassemblés tous les animaux. Il souffla...
Totoro... Totoro
Un léger vent répondit aussitôt à l'appel du souffle de l'ocarina. Les branches se frottèrent les unes contre les autres, les feuilles remuèrent à l'unisson, les arbres se métamorphosèrent en maracas géants.
Tchak tchakashlak chakashlak Tchak tchakashlak chakashlak
Tchak tchakashlak chakashlak Tchak tchakashlak chakashlak
Shaashaaashaaa !!!
Les hiboux s'envolèrent dans un claquement de doigt imperceptible pour se poser sur les branches larges du Camphrier. Ils hullulèrent en suivant le rythme des maracas.
Houu houu Houu houu
Houu houu Houu houu
Les rongeurs prirent les coquilles de noix et les claquèrent en faisant retentir un bruit de castagnettes. Ils ajustèrent leur percussion sur la musique de Totoro.
TacTacTac TacTacTac
TacTacTac TacTacTac
Les araignées tissèrent leur toile autour des oreilles des lièvres. Avec leurs pattes graciles, elles pincèrent leur fil pour produire le son de la harpe.
blam blum blam blam blum blam
blim blim blim blam blam bli bli bli bliiim
Le renard décida de jouer, en allégresse, à la flûte qu'il avait lui-même confectionnée, bien qu'à la base, il avait plutôt l'intention de donner un récital en l'honneur du Gardien du Camphrier.
Les papillons de nuit, épars, voletèrent autour de l'arbre gigantesque, leurs ailes argentées clignotèrent comme une guirlande de lumière enroulée sur les branches.
Les souvenirs défilèrent, tour à tour, dans les paupières closes de chacun. La première toile tissée, le premier nid, la première saison des Amours, le premier envol , la première hibernation. Le premier bombardement durant la guerre. Tous ces événements, tragiques ou heureux, étaient liés à cet arbre sur le point de disparaître. Les animaux poursuivirent leur musique avec plus d'intensité, ils insufflèrent toute leur force, toute leur âme, aux notes qui s'élevaient de leur instrument, de leur chant, comme s'ils voulaient englober leur arbre par une bulle d'énergie protectrice.
Un grondement sauvage affleura soudainement du sommet de l'arbre géant, Totoro faisait vrombir la forêt entière. Manifestait-il sa colère ou son désespoir ? Nul ne le savait vraiment...
(à suivre...)
*****
*****
Perché sur une haute branche solide de son vieil arbre, Totoro observait d'un oeil inexpressif, le paysage à moitié infesté par la présence des camions de chantier. A l'Est, plus de la moitié de la forêt avait disparu. Le Gardien du Camphrier grogna dans un faible bâillement, ses yeux se plissèrent de fatigue, puis ils s'arrondirent comme si, subitement, on venait de lui rappeler un fait important. Il sortit de nulle part son ocarina et s'orienta vers la parcelle de la campagne où s'étaient rassemblés tous les animaux. Il souffla...
Totoro... Totoro
Un léger vent répondit aussitôt à l'appel du souffle de l'ocarina. Les branches se frottèrent les unes contre les autres, les feuilles remuèrent à l'unisson, les arbres se métamorphosèrent en maracas géants.
Tchak tchakashlak chakashlak Tchak tchakashlak chakashlak
Tchak tchakashlak chakashlak Tchak tchakashlak chakashlak
Shaashaaashaaa !!!
Les hiboux s'envolèrent dans un claquement de doigt imperceptible pour se poser sur les branches larges du Camphrier. Ils hullulèrent en suivant le rythme des maracas.
Houu houu Houu houu
Houu houu Houu houu
Les rongeurs prirent les coquilles de noix et les claquèrent en faisant retentir un bruit de castagnettes. Ils ajustèrent leur percussion sur la musique de Totoro.
TacTacTac TacTacTac
TacTacTac TacTacTac
Les araignées tissèrent leur toile autour des oreilles des lièvres. Avec leurs pattes graciles, elles pincèrent leur fil pour produire le son de la harpe.
blam blum blam blam blum blam
blim blim blim blam blam bli bli bli bliiim
Le renard décida de jouer, en allégresse, à la flûte qu'il avait lui-même confectionnée, bien qu'à la base, il avait plutôt l'intention de donner un récital en l'honneur du Gardien du Camphrier.
Les papillons de nuit, épars, voletèrent autour de l'arbre gigantesque, leurs ailes argentées clignotèrent comme une guirlande de lumière enroulée sur les branches.
Les souvenirs défilèrent, tour à tour, dans les paupières closes de chacun. La première toile tissée, le premier nid, la première saison des Amours, le premier envol , la première hibernation. Le premier bombardement durant la guerre. Tous ces événements, tragiques ou heureux, étaient liés à cet arbre sur le point de disparaître. Les animaux poursuivirent leur musique avec plus d'intensité, ils insufflèrent toute leur force, toute leur âme, aux notes qui s'élevaient de leur instrument, de leur chant, comme s'ils voulaient englober leur arbre par une bulle d'énergie protectrice.
Un grondement sauvage affleura soudainement du sommet de l'arbre géant, Totoro faisait vrombir la forêt entière. Manifestait-il sa colère ou son désespoir ? Nul ne le savait vraiment...
(à suivre...)
*****
vendredi 12 octobre 2007
Un adieu au clair de lune
(extrait de mon livre)
*****
- Nous t'attendions tous, cher Gardien du Camphrier, pour célébrer ton départ dans le rire et... la joie, s'exprima le renard. Ton escapade fût-elle agréable ?
Le grand Totoro émit un grognement satisfait. Presque chaque soir, il se baladait à bord de son chat-bus et nul ne savait exactement quel lieu il arpentait, ni ce qu'il y faisait. L' Esprit de la Forêt dort dans la journée et s'éveille la nuit. C'est valable pour tous les autres esprits qui cohabitent avec les animaux et les êtres humains. Même si ce soir n'est pas un soir comme les autres, Totoro tenait à partir en virée comme à l'accoutumée, au lieu de brusquer ses habitudes car il n'aimait pas cela.
- Pour cette occasion spéciale, poursuivit le renard qui prenait son rôle de porte-parole à coeur, les écureuils t'ont réservé une surprise que tu pourras partager avec les tiens.
Le grand Totoro lui jeta un regard étonné, cet étonnement se manifestait par deux adorables yeux tout ronds. Un moment de silence s'ensuivit. Ce silence fut relativement bref puisqu'il fût aussitôt brisé par le toussotement simulé du renard.
- Hum Hum... Euh la surprise ? Les écureuils ? fit-il en se tournant vers l'assemblée. L'inquiétude se profilait déjà dans son regard, les araignées ricanèrent en le remarquant. Le porte-parole des animaux ne tolérait aucun retard par rapport à son programme fixé au préalable. Il avait organisé cette soirée afin qu'elle soit mémorable aux yeux de tous. Et une soirée réussie équivaudrait à "suivre son programme à la lettre sans qu'il y ait le moindre retard"!
- Humph, ça arrive, ça arrive ! s'écria, d'une petite voix aigüe, un sac en plastique.
Les animaux s'écartèrent, en créant un passage étroit, afin de permettre à l'énorme sac en plastique ambulant surchargé de pouvoir passer entre eux. Deux courageux écureuils tiraient le sac vers l'avant tandis que deux autres le poussaient par derrière.
- Nous y sommes presque, j'aperçois les pieds du Gardien. Un petit effort les copains ! fit l'un des écureuils placés devant. Hooo Hisse ! Hooo Hisse !
Tout à coup, leurs pattes minuscules s'élevèrent dans les airs. Le grand Totoro avait soulevé le sac que transportaient les rongeurs. Surpris, les quatres écureuils grimpèrent sur le sac pour éviter de chuter, puis rampèrent le long des bras dodus de la créature pour se cramponner enfin sur le crâne et le dos de celle-ci. Totoro s'émerveilla. Le contenu recélait une quantité énorme de noix, de noisettes, de glands et de marrons. Une offrande de la part des rongeurs qui ont dû sacrifier une partie de leur ration. Le moyen Totoro et le petit Totoro sautillèrent de joie. Et tous les animaux réunis étaient contents pour eux.
Emporté par la frénésie collective, le grand Totoro fit tournoyer sa toupie qui se détacha du sol en tourbillonant à très grande vitesse. Il sauta dessus à pieds joints et les bras écartés, le moyen et le petit Totoro s'agrippèrent sur sa poitrine velue. Les écureuils se hâtèrent de redescendre sur terre, en galopant sur la montagne parsemée de poils aux couleurs de la cendre.
Acclamé par les bêtes réunies, le grand Totoro s'envola au clair de lune. Bien entendu, seul le renard s'alarmait du soudain changement de programme :
-Non, non, Gardien ! Reviens, cela n'était pas prévu !
Il lâcha un long soupir en haussant ses fines épaules rousses. "Bah, après tout... Juste pour ce soir..." pensait-il tristement.
La toupie volait haut dans le ciel, transportée par le vent, transportée par la clameur des animaux, la forêt entière lui rendait un dernier adieu. Bientôt, Totoro quittera sa tanière définitivement. Quand le Soleil transpercera la brume de ses rayons, les Hommes viendront abattre le Camphrier.
(à suivre...)
*****
*****
- Nous t'attendions tous, cher Gardien du Camphrier, pour célébrer ton départ dans le rire et... la joie, s'exprima le renard. Ton escapade fût-elle agréable ?
Le grand Totoro émit un grognement satisfait. Presque chaque soir, il se baladait à bord de son chat-bus et nul ne savait exactement quel lieu il arpentait, ni ce qu'il y faisait. L' Esprit de la Forêt dort dans la journée et s'éveille la nuit. C'est valable pour tous les autres esprits qui cohabitent avec les animaux et les êtres humains. Même si ce soir n'est pas un soir comme les autres, Totoro tenait à partir en virée comme à l'accoutumée, au lieu de brusquer ses habitudes car il n'aimait pas cela.
- Pour cette occasion spéciale, poursuivit le renard qui prenait son rôle de porte-parole à coeur, les écureuils t'ont réservé une surprise que tu pourras partager avec les tiens.
Le grand Totoro lui jeta un regard étonné, cet étonnement se manifestait par deux adorables yeux tout ronds. Un moment de silence s'ensuivit. Ce silence fut relativement bref puisqu'il fût aussitôt brisé par le toussotement simulé du renard.
- Hum Hum... Euh la surprise ? Les écureuils ? fit-il en se tournant vers l'assemblée. L'inquiétude se profilait déjà dans son regard, les araignées ricanèrent en le remarquant. Le porte-parole des animaux ne tolérait aucun retard par rapport à son programme fixé au préalable. Il avait organisé cette soirée afin qu'elle soit mémorable aux yeux de tous. Et une soirée réussie équivaudrait à "suivre son programme à la lettre sans qu'il y ait le moindre retard"!
- Humph, ça arrive, ça arrive ! s'écria, d'une petite voix aigüe, un sac en plastique.
Les animaux s'écartèrent, en créant un passage étroit, afin de permettre à l'énorme sac en plastique ambulant surchargé de pouvoir passer entre eux. Deux courageux écureuils tiraient le sac vers l'avant tandis que deux autres le poussaient par derrière.
- Nous y sommes presque, j'aperçois les pieds du Gardien. Un petit effort les copains ! fit l'un des écureuils placés devant. Hooo Hisse ! Hooo Hisse !
Tout à coup, leurs pattes minuscules s'élevèrent dans les airs. Le grand Totoro avait soulevé le sac que transportaient les rongeurs. Surpris, les quatres écureuils grimpèrent sur le sac pour éviter de chuter, puis rampèrent le long des bras dodus de la créature pour se cramponner enfin sur le crâne et le dos de celle-ci. Totoro s'émerveilla. Le contenu recélait une quantité énorme de noix, de noisettes, de glands et de marrons. Une offrande de la part des rongeurs qui ont dû sacrifier une partie de leur ration. Le moyen Totoro et le petit Totoro sautillèrent de joie. Et tous les animaux réunis étaient contents pour eux.
Emporté par la frénésie collective, le grand Totoro fit tournoyer sa toupie qui se détacha du sol en tourbillonant à très grande vitesse. Il sauta dessus à pieds joints et les bras écartés, le moyen et le petit Totoro s'agrippèrent sur sa poitrine velue. Les écureuils se hâtèrent de redescendre sur terre, en galopant sur la montagne parsemée de poils aux couleurs de la cendre.
Acclamé par les bêtes réunies, le grand Totoro s'envola au clair de lune. Bien entendu, seul le renard s'alarmait du soudain changement de programme :
-Non, non, Gardien ! Reviens, cela n'était pas prévu !
Il lâcha un long soupir en haussant ses fines épaules rousses. "Bah, après tout... Juste pour ce soir..." pensait-il tristement.
La toupie volait haut dans le ciel, transportée par le vent, transportée par la clameur des animaux, la forêt entière lui rendait un dernier adieu. Bientôt, Totoro quittera sa tanière définitivement. Quand le Soleil transpercera la brume de ses rayons, les Hommes viendront abattre le Camphrier.
(à suivre...)
*****
mercredi 10 octobre 2007
A la rencontre de l'Automne
Ma soeur mangera à la maison ce soir. Après qu'elle ait téléphoné pour nous prévenir, je me suis emmitouflée en enfilant un pull à col roulé et un bonnet rouge pour foncer, en vitesse, avec le panier d'osier au supermarché du quartier. Papa m'a demandé avec un air hébété :
- Hé, où vas-tu en te dépêchant comme ça ?
- Faire les courses !
Mais je crois qu'il n'a pas entendu ma réponse puisque j'avais déjà refermé la porte d'entrée derrière moi.
Dehors, je me suis rendue compte que le bonnet n'était pas nécessaire. Cela faisait des jours que je vivais cloitrée à la maison pour bosser sur mon livre, la température sibérienne de ma chambre m'avait donné une estimation fallacieuse du climat véritable. Lorsque j'ai retiré mon bonnet en tricot, un vent espiègle m'a tout de suite frôlé les oreilles, titillé le bout du nez et balayé la frange. Ouah ! C'était agréable.
Il est regrettable que ce quartier jouisse très peu de la présence des arbres. J'aurais volontiers humé les effluves des feuilles mortes qui joncheraient le macadam comme s'il avait revêtu un tapis orange et doré. Sautiller, botter dans le tas de feuilles craquelées, les ramasser et les jeter en l'air font partie des petits plaisirs de l'Automne.
A la sortie du magasin, le panier chargé de légumes et de viande destinés à mon fondue de ce soir, j'ai décidé de prendre un chemin de retour différent que celui emprunté à l'aller. Je me suis engagée dans une ruelle perpendiculaire à la voie principale. C'était nettement plus calme.
Cependant, une légère odeur est venue me taquiner les narines. A mon avis, cette odeur devait avoir des doigts vaporeux qui me faisaient signe de le suivre comme les fumées ensorcelantes dans les dessins animés de Tex Avery. Et j'ai cédé. Tout en reniflant, j'ai marché jusqu'à la source de l'odeur. Les enfants qui m'ont croisée en sniffant le nez en l'air avaient certainement les yeux hagards et la bouche ouverte d'étonnement. La stupeur n'est jamais feintée à cet âge-là. A droite de l'extrémité de la ruelle, il y avait une entrée de ce qui semblait être un parc. J'entendais le rire et le cri chahuteur des enfants provenant de là. Surprise, j'ai pénétré ce lieu inconnu. C'était un paisible jardin public, minuscule certes, mais les enfants prenaient du plaisir à jouer avec le toboggan, les balançoires et par dessus tout, les feuilles mortes tombées des arbres entourant le parc. Au milieu de ce petit coin de paradis, se tenait un vendeur de marrons chauds, le complice de la savoureuse odeur qui m'avait attirée jusqu' ici. Je l'ai salué, bien entendu:
- Bonjour monsieur !!!
- Bonjour mademoiselle ! Dis donc, vous avez une voix énergique !
- Oui, on me reproche souvent de parler trop fort...
- Hahaha ! C'est bien ça ! C'est la première fois que je vous vois, vous n'êtes pas du coin ?
- C'est que... Je viens à peine de découvrir ce joli parc. Pourtant, j'habite ce quartier depuis sept ans maintenant.
Le vendeur a affiché un sourire bienveillant. De nature bavard, il m'a fourni des informations intéressantes au sujet de ce parc.
- Sachez mademoiselle que ce coin verdâtre était autrefois en ruines, dévasté par le dépôt d'ordures qui s'accumulait de jour en jour. Les femmes du quartier avaient beau introduire une demande afin de bâtir un terrain de jeu convenable pour les enfants, mais leur requête s'égarait sans cesse dans les méandres de la paperasse. Il y a trois ans, un homme de l'administration a décidé de répondre à cet appel, il a franchi toutes les barrières que la fonction publique lui imposaient. Avec audace et acharnement, il a réalisé son noble projet ! Quel homme ! On raconte qu'il est décédé là-bas, près de la balançoire, un soir de neige.
Il désignait la balançoire sur laquelle une petite fille riait, poussée gentiment par sa mère.
- Il paraît même qu'il chantait juste avant de mourir. Comme il devait être heureux!
Emue par cette histoire, j'ai remercié le vendeur avec ferveur en ne manquant pas de lui acheter des marrons chauds. Pendant que je me dirigeais chez moi, j'imaginais le chant de cet homme remarquable au seuil de sa mort. Comme il devait être heureux résonnait encore la voix du marchand dans ma tête. Oui, il l'était sûrement ! Exaltée par ce récit et mon imagination, je gambadais de joie avec mon panier rempli. D'après le regard que me jetaient les enfants : je ressemblais au petit chaperon rouge. Talalala talalala ! Je chantonnais un air joyeux.
(Note: l'histoire de l'homme sur la balançoire s'est inspirée du film "Ikiru" réalisé par Akira Kurosawa, en 1952)
- Hé, où vas-tu en te dépêchant comme ça ?
- Faire les courses !
Mais je crois qu'il n'a pas entendu ma réponse puisque j'avais déjà refermé la porte d'entrée derrière moi.
Dehors, je me suis rendue compte que le bonnet n'était pas nécessaire. Cela faisait des jours que je vivais cloitrée à la maison pour bosser sur mon livre, la température sibérienne de ma chambre m'avait donné une estimation fallacieuse du climat véritable. Lorsque j'ai retiré mon bonnet en tricot, un vent espiègle m'a tout de suite frôlé les oreilles, titillé le bout du nez et balayé la frange. Ouah ! C'était agréable.
Il est regrettable que ce quartier jouisse très peu de la présence des arbres. J'aurais volontiers humé les effluves des feuilles mortes qui joncheraient le macadam comme s'il avait revêtu un tapis orange et doré. Sautiller, botter dans le tas de feuilles craquelées, les ramasser et les jeter en l'air font partie des petits plaisirs de l'Automne.
A la sortie du magasin, le panier chargé de légumes et de viande destinés à mon fondue de ce soir, j'ai décidé de prendre un chemin de retour différent que celui emprunté à l'aller. Je me suis engagée dans une ruelle perpendiculaire à la voie principale. C'était nettement plus calme.
Cependant, une légère odeur est venue me taquiner les narines. A mon avis, cette odeur devait avoir des doigts vaporeux qui me faisaient signe de le suivre comme les fumées ensorcelantes dans les dessins animés de Tex Avery. Et j'ai cédé. Tout en reniflant, j'ai marché jusqu'à la source de l'odeur. Les enfants qui m'ont croisée en sniffant le nez en l'air avaient certainement les yeux hagards et la bouche ouverte d'étonnement. La stupeur n'est jamais feintée à cet âge-là. A droite de l'extrémité de la ruelle, il y avait une entrée de ce qui semblait être un parc. J'entendais le rire et le cri chahuteur des enfants provenant de là. Surprise, j'ai pénétré ce lieu inconnu. C'était un paisible jardin public, minuscule certes, mais les enfants prenaient du plaisir à jouer avec le toboggan, les balançoires et par dessus tout, les feuilles mortes tombées des arbres entourant le parc. Au milieu de ce petit coin de paradis, se tenait un vendeur de marrons chauds, le complice de la savoureuse odeur qui m'avait attirée jusqu' ici. Je l'ai salué, bien entendu:
- Bonjour monsieur !!!
- Bonjour mademoiselle ! Dis donc, vous avez une voix énergique !
- Oui, on me reproche souvent de parler trop fort...
- Hahaha ! C'est bien ça ! C'est la première fois que je vous vois, vous n'êtes pas du coin ?
- C'est que... Je viens à peine de découvrir ce joli parc. Pourtant, j'habite ce quartier depuis sept ans maintenant.
Le vendeur a affiché un sourire bienveillant. De nature bavard, il m'a fourni des informations intéressantes au sujet de ce parc.
- Sachez mademoiselle que ce coin verdâtre était autrefois en ruines, dévasté par le dépôt d'ordures qui s'accumulait de jour en jour. Les femmes du quartier avaient beau introduire une demande afin de bâtir un terrain de jeu convenable pour les enfants, mais leur requête s'égarait sans cesse dans les méandres de la paperasse. Il y a trois ans, un homme de l'administration a décidé de répondre à cet appel, il a franchi toutes les barrières que la fonction publique lui imposaient. Avec audace et acharnement, il a réalisé son noble projet ! Quel homme ! On raconte qu'il est décédé là-bas, près de la balançoire, un soir de neige.
Il désignait la balançoire sur laquelle une petite fille riait, poussée gentiment par sa mère.
- Il paraît même qu'il chantait juste avant de mourir. Comme il devait être heureux!
Emue par cette histoire, j'ai remercié le vendeur avec ferveur en ne manquant pas de lui acheter des marrons chauds. Pendant que je me dirigeais chez moi, j'imaginais le chant de cet homme remarquable au seuil de sa mort. Comme il devait être heureux résonnait encore la voix du marchand dans ma tête. Oui, il l'était sûrement ! Exaltée par ce récit et mon imagination, je gambadais de joie avec mon panier rempli. D'après le regard que me jetaient les enfants : je ressemblais au petit chaperon rouge. Talalala talalala ! Je chantonnais un air joyeux.
(Note: l'histoire de l'homme sur la balançoire s'est inspirée du film "Ikiru" réalisé par Akira Kurosawa, en 1952)
mardi 9 octobre 2007
La nuit du Camphrier
(extrait de mon livre)
*****
Les lièvres, les écureuils, les araignées, les papillons de nuit, les renards, les hiboux ainsi que toutes les autres créatures de la campagne, s'étaient réunis en demi-cercle autour du camphrier. Les noiraudes grimpaient en file indienne le long de l'arbre gigantesque illuminé par le clair de lune. Tous attendaient le miaulement du lointain que le vent viendrait rapporter. La nuit tant redoutée était arrivée. Déjà, les pleurs des lièvres s'élevèrent parmi la masse, à cela s'ajoutèrent celles des grenouilles et des crapauds. Le tout composait une cacophonie des plus étranges.
- Allons, allons ! Cessez vos lamentations, s'exclama un renard. Nous devons leur réserver un départ chaleureux, dans le rire et la... joie.
La voix du renard ne fut pas convaincante. Lui-même tentait de contenir sa tristesse et il fit un gros effort pour ne pas la laisser transparaître.
- Il arrive, il arrive ! s'écria soudain un papillon nocturne dont les ailes battaient de manière irrégulière tout en traçant un cercle dans le vide.
Les gémissements s'estompèrent, tous se tinrent en alerte, immobiles et silencieux comme si le sablier du temps ne s'écoulait plus. Le vent se souleva brusquement à l'Ouest, les feuilles frémirent, les brindilles voltigèrent, les branches oscillèrent sur son passage.
Maaaaouuu !!
Le miaulement rauque du chat-bus leur parvint enfin, la troupe suivit du regard les deux halos de lumière jaunâtre qui zigzaguaient au sommet de l'étendue des arbres.
Maaaouuuu !!
Le chat-bus bondit avec agilité, il survola la rizière par ce saut unique et il atterrit en deux temps trois mouvements près de la troupe amassée. Ce fut si rapide que celle-ci n'avait pas sourcillé et certains scrutaient toujours la cime des arbres alignés. Au bout de quelques secondes, le sablier reprit son égrenage. Les animaux s'approchèrent du chat-bus aux grands yeux malicieux et aux babines en croissant de lune. Des lampions de souris éclairaient l'avant et l'arrière du félin automobile.
Le renard s'était avancé jusqu'à la première fenêtre à gauche du bus poilu, le coeur lourd mais la mine solennelle.
*Boiiinng*
La fenêtre s'étira avec la sonorité du diapason, une énorme créature grise et enveloppée se dressa devant l'ouverture qui se formait. Elle arborait un sourire identique à celui du chat-bus, l'insouciance au coin des lèvres. La fenêtre ployait sous sa masse quand elle descendit à terre: le grand Totoro était de retour de son expédition du soir. La dernière avant le grand départ. Il était suivi par une créature bleue plus petite, le "Totoro moyen", et d'une encore plus minuscule, le " petit Totoro".
(à suivre...)
*****
*****
Les lièvres, les écureuils, les araignées, les papillons de nuit, les renards, les hiboux ainsi que toutes les autres créatures de la campagne, s'étaient réunis en demi-cercle autour du camphrier. Les noiraudes grimpaient en file indienne le long de l'arbre gigantesque illuminé par le clair de lune. Tous attendaient le miaulement du lointain que le vent viendrait rapporter. La nuit tant redoutée était arrivée. Déjà, les pleurs des lièvres s'élevèrent parmi la masse, à cela s'ajoutèrent celles des grenouilles et des crapauds. Le tout composait une cacophonie des plus étranges.
- Allons, allons ! Cessez vos lamentations, s'exclama un renard. Nous devons leur réserver un départ chaleureux, dans le rire et la... joie.
La voix du renard ne fut pas convaincante. Lui-même tentait de contenir sa tristesse et il fit un gros effort pour ne pas la laisser transparaître.
- Il arrive, il arrive ! s'écria soudain un papillon nocturne dont les ailes battaient de manière irrégulière tout en traçant un cercle dans le vide.
Les gémissements s'estompèrent, tous se tinrent en alerte, immobiles et silencieux comme si le sablier du temps ne s'écoulait plus. Le vent se souleva brusquement à l'Ouest, les feuilles frémirent, les brindilles voltigèrent, les branches oscillèrent sur son passage.
Maaaaouuu !!
Le miaulement rauque du chat-bus leur parvint enfin, la troupe suivit du regard les deux halos de lumière jaunâtre qui zigzaguaient au sommet de l'étendue des arbres.
Maaaouuuu !!
Le chat-bus bondit avec agilité, il survola la rizière par ce saut unique et il atterrit en deux temps trois mouvements près de la troupe amassée. Ce fut si rapide que celle-ci n'avait pas sourcillé et certains scrutaient toujours la cime des arbres alignés. Au bout de quelques secondes, le sablier reprit son égrenage. Les animaux s'approchèrent du chat-bus aux grands yeux malicieux et aux babines en croissant de lune. Des lampions de souris éclairaient l'avant et l'arrière du félin automobile.
Le renard s'était avancé jusqu'à la première fenêtre à gauche du bus poilu, le coeur lourd mais la mine solennelle.
*Boiiinng*
La fenêtre s'étira avec la sonorité du diapason, une énorme créature grise et enveloppée se dressa devant l'ouverture qui se formait. Elle arborait un sourire identique à celui du chat-bus, l'insouciance au coin des lèvres. La fenêtre ployait sous sa masse quand elle descendit à terre: le grand Totoro était de retour de son expédition du soir. La dernière avant le grand départ. Il était suivi par une créature bleue plus petite, le "Totoro moyen", et d'une encore plus minuscule, le " petit Totoro".
(à suivre...)
*****
dimanche 7 octobre 2007
Grain de pastel sec, poudre de chocolat
Ce matin, en farfouillant dans les vestiges de mon enfance, j'ai retrouvé un de mes innombrables dessins sur Totoro. Il a suffi d'un simple regard jeté sur mon ancienne oeuvre pour que mon esprit vagabonde en faisant tourner la roue du temps et s'arrête sur un instant précis du passé. J'ai revu la fameuse scène, ou disons plutôt que je l'ai revécue dans une confusion de paroles, dans un brouillard d'images, le tout mélangé à la senteur de chocolat chaud que ma tasse posée sur le bureau, exhalait par un hippocampe de fumée .
J'avais sept ans et je rentrais de l'école. A l'époque, nous habitions à la campagne à quelques bornes de l'hôpital où se trouvait Maman. Les doigts tachés de gris et de bleu, je courais montrer mon dessin à ma soeur, le coeur gonflé de fierté et de satisfaction. Je me souviens même d'avoir perdu mon soulier à mi-chemin mais j'étais tellement pressée d'arriver à la maison que je n'ai pas pris la peine de le rechausser tout de suite. Alors, j'ai poursuivi ma course effrénée le long du sentier campagnard, les pieds à moitié nus. Mon dessin dans une main, mon soulier dans l'autre, et les yeux concentrés sur l'horizon. Qui reculait, reculait encore au fur et à mesure que je me hâtais vers lui... Le vent soufflait à contresens tout le long du chemin de la rizière, je le perforais avec mon entrain, mon impatience.
Ma soeur me guettait devant l'allée nous menant vers notre ancienne maison, elle s'était absentée à l'école en raison d'un rhume. Vêtue d'un gros chandail beige et munie d' un masque blanc pour éviter la propagation des microbes, elle me voyait débouler à bout de souffle, le pied et les doigts crasseux.
- Grande soeur ! Grande soeur ! Haa... Haa... J'ai... j'ai un dessin ! C'est Totoro ! Regarde, c'est Totoro ! lui ai-je dit, en haletant.
- Mei ! Regarde plutôt l'état de ton pied ! Ah lala ! Viens, je vais te laver et il est hors de question que tu poses ce pied à l'intérieur de la maison avant.
Sa voix était étouffée par le masque mais la colère qui l'animait n'en était pas moins atténuée.
Elle m'a emmenée de force jusqu'à la pompe à eau du jardin en toussant un peu, c'était le contrecoup que subissait sa gorge pour avoir haussé sa voix. Elle m'a retiré du dos mon cartable rouge sans remarquer le dessin que mes doigts agrippaient fermement. J'étais déçue. Mon enthousiasme de tout à l'heure était en train de se refroidir sous l'eau glacée que ma soeur faisait couler avec la mine sévère. La mine d'une adulte.
Ma soeur avait endossé une part de responsabilité énorme depuis que Maman était hospitalisée. Je m'en suis rendue compte que très tard, mais à partir du moment où elle a commencé à s'occuper de la maison, elle avait un peu cessé d'être une enfant pour se comporter en adulte raisonnable.
Le soir, nous attendions le retour de Papa. Ma soeur avait prédisposé une assiette de cinq sanma (balaou du Japon) salés et grillés au four ainsi que celle des morceaux de potiron sautés aux légumes que nous avions récoltés la veille dans le champ d'une vieille amie. Incroyable que je puisse me rappeler encore des détails. Surtout après toutes ces années...
- Je suis rentré ! Et bien à l'heure cette fois !
C'était la voix de Papa qui émanait de l'entrée. Malgré la fatigue provoquée par sa dure journée et son long trajet, il s'arrangeait pour paraître en forme et de bonne humeur tout le temps.
- Papa ! J'ai fait un dessin et la maitresse m'a félicitée ! ai-je annoncé rapidement en accourant vers lui.
- Haha ! Vraiment ? Ma petite Mei sera une grande artiste.
Et tout en me répondant ça, il me caressait la touffe de cheveux, ce qu'il faisait toujours avec le sourire et la fierté dans les yeux.
- Papa !
Ma soeur nous avait rejoints à l'entrée en tenant une louche en main.
- Tu tombes à pic, on va bientôt passer à table. Il ne reste plus qu'à réchauffer la soupe miso et ce sera prêt.
- Attends un peu, je dois d'abord t'ausculter ma grande.
Papa s'est approché d'elle après avoir retiré ses chaussures, ensuite sa main droite a touché le front de ma soeur tandis que l'autre touchait simultanément le sien.
- Hum, tu n'as plus de fièvre, a-t-il constaté.
- Je vais beaucoup mieux, ne t'en fais pas, a dit ma soeur sur un ton persuasif.
- Papa ! Regarde mon dessin !
- Hahaha ! J'ai compris. Laisse-moi d'abord me laver les mains et je regarderai ton beau dessin une fois que j'aurai les mains propres. C'est d'accord, Mei ?
- Oui !
Je gigotais sur le tatami pendant que ma soeur distribuait les bols de riz et la soupe miso. Au bout de quelques minutes, Papa est venu s'assoir à côté de moi en sifflotant joyeusement puis, ayant admiré la table, il s'est tourné vers ma soeur:
- Comme ça a l'air bon! Tu t'es donné tant de mal alors que tu es malade. Je te remercie ma grande.
-Papa regarde ! Mon dessin, regarde !
-Oui, oui !... Oh ! Mais c'est du grand art ça ! Magnifique ce hibou qui s'envole.
Shping! Une fléchette en plein coeur. Il se briserait en éclat après un dernier sursaut de colère:
- Non, non, non ! C'est pas un hibou ! C'est Totoro, Totoro !! lui hurlais-je.
- Oooh, maintenant que tu le dis... Oui, c'est bien Totoro ! affirmait Papa en essayant vainement de se ratrapper et d'éviter de me froisser.
- Menteur !!!!
- Mei ! (c'était l'intervention de la frangine) ne crie pas à table. Allez, bon appétiiiit.
Je n'ai pas répondu. Mon regard fixait le tatami avec plein de rancoeur (et pourtant, il ne m'avait rien fait ce pauvre tatami), je maintenais les poings serrés, prêts à déchirer ce dessin maudit.
- Mei... Je suis désolé, ton dessin est très beau, c'est vrai. Je n'ai pas reconnu Totoro sur le coup. Ne boude pas, sois raisonnable.
"sois raisonnable" !? C'était trop! Sans dire un mot, j'ai foncé droit vers la salle de bain et je me suis enfermée à l'intérieur. Il faisait si froid, si sombre... Le vent tapotait contre la vitre avec un fracas insupportable. Je me suis accroupie sur le carrelage glacé, la tête enfouie entre les jambes, je fulminais contre les paroles de Papa. Comment pouvait-il trouver mon dessin "beau" s'il n'avait pas reconnu Totoro ? C'est parce qu'il n'était pas ressemblant, c'est tout. Par conséquent, je dessinais mal et les compliments étaient montés de toute pièce. Qu'est-ce que je détestais cet impératif "Sois raisonnable" ... Mais je ne voulais pas être raisonnable ! Pourquoi fallait-il être raisonnable ? Etait-ce interdit de manifester sa colère ? Bon, mon attitude ce jour-là était follement exagérée je le reconnais, à vrai dire je piquais des colères uniquement pour que l'on me prête un tant soit peu d'intérêt...
Aaah Papa que j'aime! Tu rentrais exténué du boulot et j'avais le culot de hurler après toi !
En plus pour une raison tirée par les cheveux... D'ailleurs, si ça se trouve, Papa n'a sans doute jamais croisé Totoro. Peut-être quand il était enfant, mais s'en rappelait-il encore ?
Que faire ? Sortir de la salle de bain et m'excuser auprès de lui ? "Oui !" me disais-je en me relevant, l'air résigné. Juste à ce moment-là, sous le bas de la porte, une feuille de papier s'est glissée, sur laquelle il était écrit :
"Excuse-moi. Dorénavant, je ferai beaucoup plus attention à tes dessins. Viens manger, il y aura des dorayaki* en guise de dessert !" (signé) Papa
"Vite, vite ou sinon je mangerai ta part de dorayaki !" (signé) ta grande soeur
(*dorayaki= gâteau japonais fourré à la pâte d'haricot rouge)
Bien entendu, je suis sortie de la salle de bain sans une once d'hésitation. L'appel des dorayaki était bien trop fort!
(Mei Kusakabe, L'envol de la toupie, 19xx )
J'avais sept ans et je rentrais de l'école. A l'époque, nous habitions à la campagne à quelques bornes de l'hôpital où se trouvait Maman. Les doigts tachés de gris et de bleu, je courais montrer mon dessin à ma soeur, le coeur gonflé de fierté et de satisfaction. Je me souviens même d'avoir perdu mon soulier à mi-chemin mais j'étais tellement pressée d'arriver à la maison que je n'ai pas pris la peine de le rechausser tout de suite. Alors, j'ai poursuivi ma course effrénée le long du sentier campagnard, les pieds à moitié nus. Mon dessin dans une main, mon soulier dans l'autre, et les yeux concentrés sur l'horizon. Qui reculait, reculait encore au fur et à mesure que je me hâtais vers lui... Le vent soufflait à contresens tout le long du chemin de la rizière, je le perforais avec mon entrain, mon impatience.
Ma soeur me guettait devant l'allée nous menant vers notre ancienne maison, elle s'était absentée à l'école en raison d'un rhume. Vêtue d'un gros chandail beige et munie d' un masque blanc pour éviter la propagation des microbes, elle me voyait débouler à bout de souffle, le pied et les doigts crasseux.
- Grande soeur ! Grande soeur ! Haa... Haa... J'ai... j'ai un dessin ! C'est Totoro ! Regarde, c'est Totoro ! lui ai-je dit, en haletant.
- Mei ! Regarde plutôt l'état de ton pied ! Ah lala ! Viens, je vais te laver et il est hors de question que tu poses ce pied à l'intérieur de la maison avant.
Sa voix était étouffée par le masque mais la colère qui l'animait n'en était pas moins atténuée.
Elle m'a emmenée de force jusqu'à la pompe à eau du jardin en toussant un peu, c'était le contrecoup que subissait sa gorge pour avoir haussé sa voix. Elle m'a retiré du dos mon cartable rouge sans remarquer le dessin que mes doigts agrippaient fermement. J'étais déçue. Mon enthousiasme de tout à l'heure était en train de se refroidir sous l'eau glacée que ma soeur faisait couler avec la mine sévère. La mine d'une adulte.
Ma soeur avait endossé une part de responsabilité énorme depuis que Maman était hospitalisée. Je m'en suis rendue compte que très tard, mais à partir du moment où elle a commencé à s'occuper de la maison, elle avait un peu cessé d'être une enfant pour se comporter en adulte raisonnable.
Le soir, nous attendions le retour de Papa. Ma soeur avait prédisposé une assiette de cinq sanma (balaou du Japon) salés et grillés au four ainsi que celle des morceaux de potiron sautés aux légumes que nous avions récoltés la veille dans le champ d'une vieille amie. Incroyable que je puisse me rappeler encore des détails. Surtout après toutes ces années...
- Je suis rentré ! Et bien à l'heure cette fois !
C'était la voix de Papa qui émanait de l'entrée. Malgré la fatigue provoquée par sa dure journée et son long trajet, il s'arrangeait pour paraître en forme et de bonne humeur tout le temps.
- Papa ! J'ai fait un dessin et la maitresse m'a félicitée ! ai-je annoncé rapidement en accourant vers lui.
- Haha ! Vraiment ? Ma petite Mei sera une grande artiste.
Et tout en me répondant ça, il me caressait la touffe de cheveux, ce qu'il faisait toujours avec le sourire et la fierté dans les yeux.
- Papa !
Ma soeur nous avait rejoints à l'entrée en tenant une louche en main.
- Tu tombes à pic, on va bientôt passer à table. Il ne reste plus qu'à réchauffer la soupe miso et ce sera prêt.
- Attends un peu, je dois d'abord t'ausculter ma grande.
Papa s'est approché d'elle après avoir retiré ses chaussures, ensuite sa main droite a touché le front de ma soeur tandis que l'autre touchait simultanément le sien.
- Hum, tu n'as plus de fièvre, a-t-il constaté.
- Je vais beaucoup mieux, ne t'en fais pas, a dit ma soeur sur un ton persuasif.
- Papa ! Regarde mon dessin !
- Hahaha ! J'ai compris. Laisse-moi d'abord me laver les mains et je regarderai ton beau dessin une fois que j'aurai les mains propres. C'est d'accord, Mei ?
- Oui !
Je gigotais sur le tatami pendant que ma soeur distribuait les bols de riz et la soupe miso. Au bout de quelques minutes, Papa est venu s'assoir à côté de moi en sifflotant joyeusement puis, ayant admiré la table, il s'est tourné vers ma soeur:
- Comme ça a l'air bon! Tu t'es donné tant de mal alors que tu es malade. Je te remercie ma grande.
-Papa regarde ! Mon dessin, regarde !
-Oui, oui !... Oh ! Mais c'est du grand art ça ! Magnifique ce hibou qui s'envole.
Shping! Une fléchette en plein coeur. Il se briserait en éclat après un dernier sursaut de colère:
- Non, non, non ! C'est pas un hibou ! C'est Totoro, Totoro !! lui hurlais-je.
- Oooh, maintenant que tu le dis... Oui, c'est bien Totoro ! affirmait Papa en essayant vainement de se ratrapper et d'éviter de me froisser.
- Menteur !!!!
- Mei ! (c'était l'intervention de la frangine) ne crie pas à table. Allez, bon appétiiiit.
Je n'ai pas répondu. Mon regard fixait le tatami avec plein de rancoeur (et pourtant, il ne m'avait rien fait ce pauvre tatami), je maintenais les poings serrés, prêts à déchirer ce dessin maudit.
- Mei... Je suis désolé, ton dessin est très beau, c'est vrai. Je n'ai pas reconnu Totoro sur le coup. Ne boude pas, sois raisonnable.
"sois raisonnable" !? C'était trop! Sans dire un mot, j'ai foncé droit vers la salle de bain et je me suis enfermée à l'intérieur. Il faisait si froid, si sombre... Le vent tapotait contre la vitre avec un fracas insupportable. Je me suis accroupie sur le carrelage glacé, la tête enfouie entre les jambes, je fulminais contre les paroles de Papa. Comment pouvait-il trouver mon dessin "beau" s'il n'avait pas reconnu Totoro ? C'est parce qu'il n'était pas ressemblant, c'est tout. Par conséquent, je dessinais mal et les compliments étaient montés de toute pièce. Qu'est-ce que je détestais cet impératif "Sois raisonnable" ... Mais je ne voulais pas être raisonnable ! Pourquoi fallait-il être raisonnable ? Etait-ce interdit de manifester sa colère ? Bon, mon attitude ce jour-là était follement exagérée je le reconnais, à vrai dire je piquais des colères uniquement pour que l'on me prête un tant soit peu d'intérêt...
Aaah Papa que j'aime! Tu rentrais exténué du boulot et j'avais le culot de hurler après toi !
En plus pour une raison tirée par les cheveux... D'ailleurs, si ça se trouve, Papa n'a sans doute jamais croisé Totoro. Peut-être quand il était enfant, mais s'en rappelait-il encore ?
Que faire ? Sortir de la salle de bain et m'excuser auprès de lui ? "Oui !" me disais-je en me relevant, l'air résigné. Juste à ce moment-là, sous le bas de la porte, une feuille de papier s'est glissée, sur laquelle il était écrit :
"Excuse-moi. Dorénavant, je ferai beaucoup plus attention à tes dessins. Viens manger, il y aura des dorayaki* en guise de dessert !" (signé) Papa
"Vite, vite ou sinon je mangerai ta part de dorayaki !" (signé) ta grande soeur
(*dorayaki= gâteau japonais fourré à la pâte d'haricot rouge)
Bien entendu, je suis sortie de la salle de bain sans une once d'hésitation. L'appel des dorayaki était bien trop fort!
(Mei Kusakabe, L'envol de la toupie, 19xx )
samedi 6 octobre 2007
Un air d'ocarina
Il pleut, il pleut, il pleut. Je suis heureuse. Ca fait ploc, ploc dans ma bassine. Mes cheveux sont toujours mouillés, tant pis, je les sécherai plus tard.
J'étais en train de lire "Rêves de brouillard" de Kenji Miyazawa sur mon lit quand les premières gouttes de pluie se sont précipitées en masse dans le récipient. Mue par un réflexe, j'ai fermé les yeux en reposant mon livre. La sérénité m'a enveloppée, comme à l'accoutumée, de son voile délicat opalescent et les rêveries m'ont recouverte de paillettes. Mais soudain, j'ai ressenti quelque chose de nouveau à l'intérieur de mon être, comme si j'étais submergée par un liquide inconnu qui s'infiltrait par tous les pores. Ce liquide montait, affluait en moi, à l'instar de ma bassine qui se remplissait d'eau de pluie au fil des minutes. Ce n'est que lorsque je me suis sentie inondée par un désir incontrôlable, que j'ai compris qu'il avait atteint le niveau maximal de son volume, celui de mon âme. Alors je me suis ruée en direction de mon bureau, j'ai ouvert en toute hâte le premier tiroir pour y plonger mes deux mains exploratrices et fouiller, en mettant sens dessus dessous, les objets endormis dans ce bric-à-brac parmi lequel on pouvait compter: un bloc-note, des crayons de couleur éparpillés, un mouchoir en coton, mon vieux porte-clé coccinelle, un nez de clown, les glands du chêne ramassés au parc, des caramels, des cartes de voeux, un bracelet de perle, un ocarina, des tromb... Un ocarina !? Ma main gauche a enfin détecté l'objet recherché. C'est avec les yeux émerveillés et la bouche grande ouverte exprimant un "Ouah!" muet, que je caressais le précieux instrument en terre cuite. On aurait dit une archéologue qui extirpait des décombres un trésor inestimable. Aussitôt après, l'ocarina serré dans ma main, j'ai quitté ma chambre, traversé silencieusement le couloir afin de ne pas réveiller Papa qui s'était assoupi au milieu de ses livres, gravi deux par deux les marches froides du grenier avec mes pieds nus; ensuite quand j'ai ouvert la lourde trappe en bois, il m'a semblé entendre les noiraudes qui se réfugiaient à toute allure vers les interstices des quatre murs délabrés avec un son similaire à celui des milliers de grains de riz se déversant sur le sol. Etait-ce simplement le son qui naissait de la pluie mise en contact brusque avec le toit et les carreaux ?
J'ai ouvert la fenêtre et j'ai grimpé sur le toit glissant. De là-haut, j'ai embrassé du regard la vue de cette ville à moitié ensommeillée. Quelques points lumineux scintillaient encore chez certains couche-tard. Je me suis assise sur la toiture en pente, j'ai porté l'ocarina à mes lèvres. Et après avoir inspiré bien fort, j'ai soufflé dedans comme un interminable soupir.
Totoro Totoro
Totoro Totoro
Seule la pluie inépuisable accompagnait ma mélodie. Un peu de douleur, un peu de nostalgie, une pincée de colère et beaucoup de gaité composaient mon souffle. Les lumières aux alentours s'éteignaient, l'une après l'autre, au gré de ces notes berceuses écloses par l'ocarina.
Totoro Totoro
Totoro Totoro
La mélodie, toujours la même, s'enchaînait plusieurs fois de suite. Je ne connaissais que celle-là. Elle m'était apparue une fois dans mes rêves. Je ne l'ai jamais oubliée.
Totoro To...
Miiiiaaaou !
J'ai levé ma tête en direction du miaulement aigu. Ce n'était que le chat tigré de la gentille dame d'à côté qui avait manifestement oublié de laisser sa fenêtre entrouverte pour le retour de son animal. La pauvre bête grattait sur le carreau en espérant qu' il attirerait l'attention de sa maîtresse profondément endormie. La vision de cette boule de poil malheureuse et trempée m'attendrissait, je ne pouvais m'empêcher de réprimer mon rire. Rire étouffé d'abord, puis comme si une barrière s'était rompue en moi, j'ai ri aux éclats. Assise sur le toit, sous le ciel pluvieux, avec mon ocarina.
Ahahaha ! Ahahaha !
Et des larmes ont jailli de mes yeux, elle se sont mêlées aux petites billes de la pluie, en me perlant les joues humides.
J'étais en train de lire "Rêves de brouillard" de Kenji Miyazawa sur mon lit quand les premières gouttes de pluie se sont précipitées en masse dans le récipient. Mue par un réflexe, j'ai fermé les yeux en reposant mon livre. La sérénité m'a enveloppée, comme à l'accoutumée, de son voile délicat opalescent et les rêveries m'ont recouverte de paillettes. Mais soudain, j'ai ressenti quelque chose de nouveau à l'intérieur de mon être, comme si j'étais submergée par un liquide inconnu qui s'infiltrait par tous les pores. Ce liquide montait, affluait en moi, à l'instar de ma bassine qui se remplissait d'eau de pluie au fil des minutes. Ce n'est que lorsque je me suis sentie inondée par un désir incontrôlable, que j'ai compris qu'il avait atteint le niveau maximal de son volume, celui de mon âme. Alors je me suis ruée en direction de mon bureau, j'ai ouvert en toute hâte le premier tiroir pour y plonger mes deux mains exploratrices et fouiller, en mettant sens dessus dessous, les objets endormis dans ce bric-à-brac parmi lequel on pouvait compter: un bloc-note, des crayons de couleur éparpillés, un mouchoir en coton, mon vieux porte-clé coccinelle, un nez de clown, les glands du chêne ramassés au parc, des caramels, des cartes de voeux, un bracelet de perle, un ocarina, des tromb... Un ocarina !? Ma main gauche a enfin détecté l'objet recherché. C'est avec les yeux émerveillés et la bouche grande ouverte exprimant un "Ouah!" muet, que je caressais le précieux instrument en terre cuite. On aurait dit une archéologue qui extirpait des décombres un trésor inestimable. Aussitôt après, l'ocarina serré dans ma main, j'ai quitté ma chambre, traversé silencieusement le couloir afin de ne pas réveiller Papa qui s'était assoupi au milieu de ses livres, gravi deux par deux les marches froides du grenier avec mes pieds nus; ensuite quand j'ai ouvert la lourde trappe en bois, il m'a semblé entendre les noiraudes qui se réfugiaient à toute allure vers les interstices des quatre murs délabrés avec un son similaire à celui des milliers de grains de riz se déversant sur le sol. Etait-ce simplement le son qui naissait de la pluie mise en contact brusque avec le toit et les carreaux ?
J'ai ouvert la fenêtre et j'ai grimpé sur le toit glissant. De là-haut, j'ai embrassé du regard la vue de cette ville à moitié ensommeillée. Quelques points lumineux scintillaient encore chez certains couche-tard. Je me suis assise sur la toiture en pente, j'ai porté l'ocarina à mes lèvres. Et après avoir inspiré bien fort, j'ai soufflé dedans comme un interminable soupir.
Totoro Totoro
Totoro Totoro
Seule la pluie inépuisable accompagnait ma mélodie. Un peu de douleur, un peu de nostalgie, une pincée de colère et beaucoup de gaité composaient mon souffle. Les lumières aux alentours s'éteignaient, l'une après l'autre, au gré de ces notes berceuses écloses par l'ocarina.
Totoro Totoro
Totoro Totoro
La mélodie, toujours la même, s'enchaînait plusieurs fois de suite. Je ne connaissais que celle-là. Elle m'était apparue une fois dans mes rêves. Je ne l'ai jamais oubliée.
Totoro To...
Miiiiaaaou !
J'ai levé ma tête en direction du miaulement aigu. Ce n'était que le chat tigré de la gentille dame d'à côté qui avait manifestement oublié de laisser sa fenêtre entrouverte pour le retour de son animal. La pauvre bête grattait sur le carreau en espérant qu' il attirerait l'attention de sa maîtresse profondément endormie. La vision de cette boule de poil malheureuse et trempée m'attendrissait, je ne pouvais m'empêcher de réprimer mon rire. Rire étouffé d'abord, puis comme si une barrière s'était rompue en moi, j'ai ri aux éclats. Assise sur le toit, sous le ciel pluvieux, avec mon ocarina.
Ahahaha ! Ahahaha !
Et des larmes ont jailli de mes yeux, elle se sont mêlées aux petites billes de la pluie, en me perlant les joues humides.
vendredi 5 octobre 2007
Labyrinthe, tunnel ou crainte
(extrait de mon "livre")
*****
Ils étaient tous réunis. Les lièvres, les écureuils, les araignées, les papillons de nuit, les renards, les hiboux ainsi que toutes les autres créatures de la campagne, s'étaient assemblés en demi-cercle autour du camphrier. Les noiraudes rampaient, escaladaient en file indienne le long de l'arbre gigantesque illuminé par le clair de lune. Tous attendaient le miaulement du lointain que le vent viendrait rapporter.
*****
Génial... Il m'a fallu une heure pour pondre ça ! Parfois, je me demande sincèrement si la voie de l'écriture m'est prédestinée. Quand j'ai annoncé à ma soeur que je voulais écrire des livres pour enfant, elle trouvait l'idée fantastique, tellement persuadée que je raconterais des histoires fabuleuses, que j'avais une créativité mirobolante. Que j'avais sans conteste le talent requis. Maintenant que je me suis lancée dans ce projet considérable, je ne vois plus le bout du tunnel dans lequel je me suis aventurée (sans lampe de torche ! ) telle une petite fille téméraire et naïve. Dire que dans ma tête, j'avais imaginé des tas d'histoires centrées sur la créature de mon enfance... De quoi écrire cent récits, facile. Si, si!
Pourtant, une fois penchée devant mon cahier de brouillon, les mots se perdent sur la pointe de mon stylo-plume, ils se noient dans l'encre de mon désarroi.
*****
Ils étaient tous réunis. Les lièvres, les écureuils, les araignées, les papillons de nuit, les renards, les hiboux ainsi que toutes les autres créatures de la campagne, s'étaient assemblés en demi-cercle autour du camphrier. Les noiraudes rampaient, escaladaient en file indienne le long de l'arbre gigantesque illuminé par le clair de lune. Tous attendaient le miaulement du lointain que le vent viendrait rapporter.
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Génial... Il m'a fallu une heure pour pondre ça ! Parfois, je me demande sincèrement si la voie de l'écriture m'est prédestinée. Quand j'ai annoncé à ma soeur que je voulais écrire des livres pour enfant, elle trouvait l'idée fantastique, tellement persuadée que je raconterais des histoires fabuleuses, que j'avais une créativité mirobolante. Que j'avais sans conteste le talent requis. Maintenant que je me suis lancée dans ce projet considérable, je ne vois plus le bout du tunnel dans lequel je me suis aventurée (sans lampe de torche ! ) telle une petite fille téméraire et naïve. Dire que dans ma tête, j'avais imaginé des tas d'histoires centrées sur la créature de mon enfance... De quoi écrire cent récits, facile. Si, si!
Pourtant, une fois penchée devant mon cahier de brouillon, les mots se perdent sur la pointe de mon stylo-plume, ils se noient dans l'encre de mon désarroi.
jeudi 4 octobre 2007
Parapluie troué
Brr !
Le froid règne en maître dans ma chambre, je n'ai pas encore allumé le chauffage. J'aime grelotter devant mon bureau sous ma couverture en laine effilochée qui me recouvre des fesses jusqu'aux épaules, et me réchauffer les doigts engourdis en buvant une bonne tasse de chocolat chaud dont la fumée, par son arôme cacao, me chatouille si délicieusement les narines. Je suis beaucoup plus concentrée dans l'écriture de mon livre à l'intérieur d'une chambre glaciale que dans une pièce surchauffée. Mon attirance pour les écrivains nordiques proviendrait probablement de cette préférence climatique singulière.
Il pleut aujourd'hui. J'entends les gouttes d'eau qui tombent inlassablement dans la bassine que j'ai placée juste au-dessus du plafond fissuré de ma chambre. Papa ne l'a toujours pas réparé. Et à vrai dire, ça m'est égal qu'il le fasse ou pas. Le son régulier des gouttes d'eau m'apaise. D' aussi loin que je me souvienne, ce son a toujours suscité en moi, une certaine vague-à l'âme qui s'accompagne d'une odeur des feuilles mortes et de l'herbe humide, d'un grondement sauvage et d'une lente mélodie à l'ocarina me parvenant depuis mes rêveries enfouies. Alors durant un instant, je me laisse emporter par la mélancolie qui m'étreint, j'écoute la pluie en fermant les yeux, je reste ainsi immobile comme si j'attendais qu'une image distincte se forme derrière mes paupières closes. Chaque rondelette qui tombe au compte-gouttes, contient un souvenir qui m'est cher. Ah, si je pouvais les conserver intacts éternellement...
Malheureusement, ils se fragmentent à mesure que les années passent et, un par un, les éclats des souvenirs heureux sombrent dans l'oubli.
Le froid règne en maître dans ma chambre, je n'ai pas encore allumé le chauffage. J'aime grelotter devant mon bureau sous ma couverture en laine effilochée qui me recouvre des fesses jusqu'aux épaules, et me réchauffer les doigts engourdis en buvant une bonne tasse de chocolat chaud dont la fumée, par son arôme cacao, me chatouille si délicieusement les narines. Je suis beaucoup plus concentrée dans l'écriture de mon livre à l'intérieur d'une chambre glaciale que dans une pièce surchauffée. Mon attirance pour les écrivains nordiques proviendrait probablement de cette préférence climatique singulière.
Il pleut aujourd'hui. J'entends les gouttes d'eau qui tombent inlassablement dans la bassine que j'ai placée juste au-dessus du plafond fissuré de ma chambre. Papa ne l'a toujours pas réparé. Et à vrai dire, ça m'est égal qu'il le fasse ou pas. Le son régulier des gouttes d'eau m'apaise. D' aussi loin que je me souvienne, ce son a toujours suscité en moi, une certaine vague-à l'âme qui s'accompagne d'une odeur des feuilles mortes et de l'herbe humide, d'un grondement sauvage et d'une lente mélodie à l'ocarina me parvenant depuis mes rêveries enfouies. Alors durant un instant, je me laisse emporter par la mélancolie qui m'étreint, j'écoute la pluie en fermant les yeux, je reste ainsi immobile comme si j'attendais qu'une image distincte se forme derrière mes paupières closes. Chaque rondelette qui tombe au compte-gouttes, contient un souvenir qui m'est cher. Ah, si je pouvais les conserver intacts éternellement...
Malheureusement, ils se fragmentent à mesure que les années passent et, un par un, les éclats des souvenirs heureux sombrent dans l'oubli.
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