samedi 13 octobre 2007

Concerto, concerto !!

(extrait de mon livre)

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Perché sur une haute branche solide de son vieil arbre, Totoro observait d'un oeil inexpressif, le paysage à moitié infesté par la présence des camions de chantier. A l'Est, plus de la moitié de la forêt avait disparu. Le Gardien du Camphrier grogna dans un faible bâillement, ses yeux se plissèrent de fatigue, puis ils s'arrondirent comme si, subitement, on venait de lui rappeler un fait important. Il sortit de nulle part son ocarina et s'orienta vers la parcelle de la campagne où s'étaient rassemblés tous les animaux. Il souffla...

Totoro... Totoro

Un léger vent répondit aussitôt à l'appel du souffle de l'ocarina. Les branches se frottèrent les unes contre les autres, les feuilles remuèrent à l'unisson, les arbres se métamorphosèrent en maracas géants.

Tchak tchakashlak chakashlak Tchak tchakashlak chakashlak
Tchak tchakashlak chakashlak Tchak tchakashlak chakashlak
Shaashaaashaaa !!!

Les hiboux s'envolèrent dans un claquement de doigt imperceptible pour se poser sur les branches larges du Camphrier. Ils hullulèrent en suivant le rythme des maracas.

Houu houu Houu houu
Houu houu Houu houu

Les rongeurs prirent les coquilles de noix et les claquèrent en faisant retentir un bruit de castagnettes. Ils ajustèrent leur percussion sur la musique de Totoro.

TacTacTac TacTacTac
TacTacTac TacTacTac

Les araignées tissèrent leur toile autour des oreilles des lièvres. Avec leurs pattes graciles, elles pincèrent leur fil pour produire le son de la harpe.

blam blum blam blam blum blam
blim blim blim blam blam bli bli bli bliiim

Le renard décida de jouer, en allégresse, à la flûte qu'il avait lui-même confectionnée, bien qu'à la base, il avait plutôt l'intention de donner un récital en l'honneur du Gardien du Camphrier.
Les papillons de nuit, épars, voletèrent autour de l'arbre gigantesque, leurs ailes argentées clignotèrent comme une guirlande de lumière enroulée sur les branches.

Les souvenirs défilèrent, tour à tour, dans les paupières closes de chacun. La première toile tissée, le premier nid, la première saison des Amours, le premier envol , la première hibernation. Le premier bombardement durant la guerre. Tous ces événements, tragiques ou heureux, étaient liés à cet arbre sur le point de disparaître. Les animaux poursuivirent leur musique avec plus d'intensité, ils insufflèrent toute leur force, toute leur âme, aux notes qui s'élevaient de leur instrument, de leur chant, comme s'ils voulaient englober leur arbre par une bulle d'énergie protectrice.

Un grondement sauvage affleura soudainement du sommet de l'arbre géant, Totoro faisait vrombir la forêt entière. Manifestait-il sa colère ou son désespoir ? Nul ne le savait vraiment...

(à suivre...)

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